Kara-Celtina Valli ◈ Melanie Martinez

Aaah, Vérone.Cette jolie ville du nord de l'Italie, coeur d'une pièce de théâtre de Shakespeare désormais devenu un mythe. C'était là-bas que se rencontrèrent Giula Falcone et Antonio Valli. Ils avaient seize ans, leur amour était plus fort que celui de Roméo et de Juliette, disaient-ils. Ils allèrent même écrire leurs noms sur le mur devant la maison de Juliette, visitable dans leur charmante ville. On les avait prévenus les jeunes tourtereaux: une seule fois suffit. Mais ils avaient été naïfs et s'étaient dit que faire l'amour une fois sans se protéger, puisque c'était la première fois pour chacun, ça n'était pas courir un grand risque. Vous auriez du voir la tête de Giulia lorsque ses soupçons devinrent alors une réalité: eh oui, seize ans et enceinte.
Au début, la pauvre Giulia était anéantie mais c'est après une discussion avec Antonio qu'ils décidèrent de garder le bébé. Lui, avait tout de suite été fou de joie, il promit à ses parents qu'il arrêterait les études pour trouver un travail, Giulia quant à elle continuerait d'étudier. Il aiderait sa bien aimée. De toute façon, ils prévoyaient de passer leur vie ensemble, ce n'était pas grave si le reste de leur vie commençait aussi vite. Les parents de l'adolescente enceinte ne la mirent pas dehors mais ne voulaient pas de ce bébé chez eux. C'est Giulia seule qui décida d'aller habiter chez les Valli. La grossesse se passa aussi bien que possible et tous leurs plans étaient très bien en place jusqu'au jour de l'accouchement. Antonio, dans la salle, était complètement perdu et il se mit à divaguer lorsque les machines s'affolèrent. Les"bip" étaient de plus en plus rapprochés, sa bien aimée ne criait plus et les infirmières le poussèrent dehors. Dans le couloirs, il se mit à pleurer toutes les larmes de son corps quand on lui annonça que suite à des complications lors de l'accouchement, Giulia était morte. Le bébé quant à elle, était une toute petite fille, plutôt maigrichonne qu'Antonio décida de nommer par les deux prénoms préférés de Giulia. Kara-Celtina.
Les parents de l'adolescent qui avait dix sept ans maintenant décidèrent qu'il ne pouvait pas élever sa fille seule. Il continuerait donc les études et lorsqu'il serait occupé au lycée ou à faire ses devoirs, c'étaient eux qui prendraient soin de la petite Kara-Celtina. Le problème étant que monsieur et madame Valli étaient déjà âgés. Tous les deux avaient soixante ans et ils n'arrivaient pas à suivre la petite fille qui courrait partout dans leur maison. Kara avait cinq ans lorsque madame Valli succomba au cancer.
Pour Antonio, il était donc temps de prendre un appartement et de s'occuper de sa fille. Il avait vingt deux ans et travaillait depuis un certain temps. Mais c'en était trop pour lui. L'amour de sa vie morte en couche, sa mère décédée à son tour et cette petite fille qui lui posait beaucoup trop de questions sur sa maman... Il se mit à boire. Le soir, quand il allait chercher Kara à l'école, il sentait la bière, le matin quand il la réveillait, il sentait le vin, le midi quand il faisait à manger pour sa fille, il sentait le whisky. Un an plus tard, il fut muté dans une petite ville près de Rome, et le loyer de son appartement était devenu beaucoup trop élevé pour lui. Il commença à boire un peu plus. C'était là-bas,dans cet appartement de Rome, la petite Kara-Celtina avait donc six ans lorsqu'il leva la main sur elle la première fois. La petite fille faisait un caprice,
elle demandait une sucette à la fraise alors qu'il n'y en avait plus. Elle pleurait,
hurlait, mais ce n'était pas une raison. Ce n'était pas une raison pour la pousser contre le mur et lui donner une gifle beaucoup trop forte. Pas une simple claque, non, une gifle qui la fit tomber par terre. La petite fille se calma directement. Soudain terrorisée. Cela recommença quelques semaines plus tard. Puis une troisième fois. Puis une quatrième fois. Une cinquième fois.Jusqu'au jour où elle alla à l'hôpital pour se faire plâtrer le bras.
Au début de son enfance, Kara était une petite fille joyeuse, souriante, qui sautillait partout, tout le temps, un sourire grand jusqu'aux oreilles. Curieuse,
elle posait beaucoup de questions et s'était souvent demandée où était passée sa maman. Mais à partir de ce moment là, la petite fille se renferma, ne demandait plus rien et se laissait frapper dessus. Elle fermait les yeux et serrait les poings. Attendant que ça passe. A l'école, elle avait quelques copines mais pas plus que cela, et elle ne les gardait pas d'une année à l'autre. Certainement parce que les parents des autres enfants ne voulaient pas que le leur fréquente une petite fille dont le père sent bien trop souvent un alcool différent. Les maîtresses de la petite Kara ne remarquèrent rien, jusqu'à ce que la petite eu huit ans. Cette année la, sa professeure se demanda pourquoi la petite Valli avait toujours des bleus sur les jambes et sur les bras, pourquoi la petite Valli restait souvent seule au fond de la cours de récréation. C'est le jour où elle rencontra son père qui sentait beaucoup trop le whisky qu'elle décida de contacter les services sociaux.
De là, Kara-Celtina vu un psychologue et un pédiatre. Le verdict était sans appel: elle était une enfant battue. Un an. Ce fut le temps que les services sociaux prirent pour enlever définitivement Kara à son père et la placer dans une famille d'accueil à Rome. Lorsqu'elle arriva dans cette famille d'accueil,
elle était toute renfermée, seule et terrifiée. Qui étaient tous ces gens? Qui allaient encore s'occuper d'elle maintenant? Elle y rencontra ceux qui furent ses tuteurs légaux qui avaient déjà deux filles plus grande que Kara. Un autre garçon avait été placé dans cette famille: Andréas Visconti. Il avait seize ans et elle neuf, et c'est pourtant assez rapidement qu'elle vit en lui un grand frère,un vrai.
On continua d'amener Kara chez un psychologue, sentant que la petite fille était marquée par les événements de sa vie. Mais c'est arrivée au collège que son mal être se prolongea. Vous savez le regard que l'on porte à cette fille, la nouvelle sur laquelle la rumeur s'est vite répandue: sa mère est morte et son père la frappait. Ce regard de pitié que l'on portait sur elle. Les autres enfants n'osaient pas forcément lui parler par peur de dire quelque chose qu'il ne fallait pas, mais le résultat en était que plus triste: Kara n'avait presque pas d'amis.
De la pitié, j'en veux pas. disait-elle à son psychologue avant de se renfermer une nouvelle fois sans plus lui dire un mot. C'est à l'âge de seize ans qu'elle demanda à ne plus y aller, de toute façon ça leur coûtait de l'argent pour rien puisqu'elle ne disait pas grand chose. Au lycée, elle s'était métamorphosée. Elle souriait, travaillait et parlait avec un maximum de personnes de sa classe. C'est pourquoi on accepta qu'elle arrête ses séances de psy, bien que celui-ci aurait bien aimé la garder encore un peu sous son aile. Des amis, elle en avait désormais mais ce que ces personnes ne savaient pas était qu'ils ne la connaissaient pas vraiment. Ils ne savaient pas ce qu'elle pensait et ce qui se cachait sous son masque souriant.
En réalité, lorsqu'elle rentrait chez elle et qu'elle se regardait dans le miroir, elle voudrait le briser. Eclater en petits morceaux cette personne qui se reflétait. Elle voudrait être quelqu'un d'autre. Et lorsqu'elle se déshabillait pour prendre sa douche, elle dégainait une larme de rasoir pour se faire du mal. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour évacuer. Laisser sortir toutes les émotions et les pensées affreuses qui lui passaient par la tête. Elle n'en était pas fière. Elle dirait même qu'elle en était honteuse. C'était juste qu'entre ça et parler à quelqu'un, le choix était tout fait. Personne ne devait savoir ce qu'elle ressentait vraiment.
C'est Andréas qui s'en était rendu compte. Il l'a aidé à traverser cette épreuve, la suppliant de ne plus se faire du mal. Lui il était là pour elle. C'est à ce moment là qu'elle se dévoila entièrement à son frère. Oui, lui il la supportait et quoi qu'elle lui révèle il l'aimera toujours. Elle lui expliqua alors à quel point elle se détestait et à quel point elle se sentait mal. Qu'elle ne tenterait pas de se suicider mais qu'elle passerait sa vie, subirait sa vie dans le but d'attendre tout simplement la mort. C'était horrible, certes. C'était ce qu'elle pensait. Elle arrêta pour lui, et seulement pour lui de se scarifier et c'est comme cela qu'elle commença à peindre.
Au lieu de déverser sa colère sur sa peau, elle la déversait sur des toiles et cela donnait un style très personnel à la peinture de Kara. Un style très coloré mais pourtant sombre. C'est d'ailleurs à cette période là qu'elle développa le même sens pour la mode. Elle commença à acheter des vêtements décalés et différents, pastel goth, vous connaissez? Coloré, plein de rose, bleu ciel, jaune, vert et autres couleurs déjantés pourtant très dark. La voilà la belle Kara-Celtina. C'est là qu'elle naquit. Elle changea définitivement son style lorsqu'elle commença à se colorer les cheveux. Une couleur d'un côté, une autre de l'autre.
Ca lui plaisait, et elle était plutôt fière de ce qu'elle dégageait.
Encore maintenant la petite Valli s'habille de cette manière, peint de cette manière et se colore les cheveux de cette manière. C'est une forme d'art,
d'expression. En 2017, elle obtint une bourse pour pouvoir aller étudier à Londres, et intégrera en septembre l'université de la capitale la peinture et plusieurs autres arts qu'elle choisit en option. Heureuse de rejoindre son frère.

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