Démission spontanée ~Alexander

Enervé n’était pas le mot qui décrivait le mieux mon état actuel. J’étais blessé, furieux, vexé, triste… En bref mal en point. Il était deux heures du matin et je venais d’avoir un échange houleux avec Raphaël par messages. Il m’avait sorti des remarques assez acères et j’en avais fait pareil. J’étais trop énervé pour accepter que j’avais ma part de tords dans l’histoire, mais ça je l’accepterais dès que je me serais un peu calmé. Mais cela ne changeais rien au fait que ma décision était prise. On ne pouvait plus rester ensemble et moi je ne pouvais plus rester au palais. Une rumeur courrait entre lui et Prudence Copperfield. Son frère avait en plus fait une remarque lors du repas du soir sur des responsabilités à tenir et un éventuel mariage. Je ne me souvenais plus des mots exactes mais j’avais compris à cet instant que j’étais un obstacle sur la route de Raphaël. Il avait des engagements à tenir, des obligations à remplir et je savais que sa famille comptait avant tout. Alors ruminant dans mon lit j’avais fini par lui envoyer le premier message. Bien sûr qu’il n’avait pas compris pourquoi, me traitant de lâche et me disant que je me cachais derrière des excuses. Mais au final ce n’était juste plus possible, il fallait bien s’en rendre compte.

M’emparant de mon sac ou j’avais fourré tous mes effets personnels, j’avais rangé la chambre au maximum, la laissant assez vide et froide derrière moi. Je n’y reviendrais plus de toute façon. Marchant le long des couloirs je pénétrais dans celui avec les appartements royaux. Heureusement que j’arrivais devant ceux d’Alexander sans devoir passer devant ceux de Raph, quelques portes plus loin. Toquant deux fois doucement, j’attendis qu’on me dise d’entrer avant de pousser les portes et les refermées derrières moi. Bien sûr avant de faire tout ça je m’étais assuré que le futur roi, et ami occasionnellement, n’était pas encore couché. J’avais vu de la lumière de l’extérieur. Je me sentais un peu mal face à lui, une main portant mon sac, une autre ma lettre. La fameuse lettre de démission que je redoutais temps.

M’avançant alors, essayant de sourire sans vraiment y arriver je lâchais finalement, en posant le bout de papier sur la table la plus proche :

« Je… Viens pour démissionner. »

Mon regard se reporta sur mon ami. En effet depuis le temps que je travaillais au palais on avait appris à se connaitre. Bien sûr il était le futur roi et donc je ne pouvais pas prétendre aller boire de temps en temps une bière à ses côtés mais nous avions une assez bonne entente. Depuis le temps aussi il savait qu’il pouvait avoir une confiance aveugle en moi, d’où le fait que j’avais été promût garde du corps de son plus jeune frère. Et pourtant… Pourtant j’étais tombé amoureux de ce même frère et l’avais entrainé dans une relation impossible. Et maintenant j’allais le rendre malheureux… mais il le fallait. On ne pouvait pas continuer ainsi. Et je savais que pour ce fait je ne pouvais rester au palais. Dans tous les cas je ne savais pas encore si j’allais me confier à Alexander ou non sur les vraies raisons de mon démissionement. Mais je savais que je devais le faire, même si ça faisais un mal de chien.

DÉMISSION SPONTANÉE

Accoudé à son bureau, le prince se perd dans de nombreux papiers. Il en a pourtant déjà épluché plus d'une vingtaine mais la pile à sa gauche ne semble jamais régresser, au contraire. Il ne sait pas quelle heure il peut bien être exactement ni combien de temps il y a déjà passé ; la seule notion de temps qu'il a est que lorsqu'il a commencé à étudier ces papiers importants, le soleil entamait seulement sa descente pour plonger la ville dans le noir. Maintenant il n'y a plus aucun bruit et pas plus de lumière... Si ce n'est celle de la lampe de style impérial qui orne son bureau. Se sachant en sécurité il avait autorisé son garde du corps à prendre un peu de repos mais cela n'était évidemment pas la seule raison qui l'avait poussé à le congédier. Cette journée est passée d'une lenteur atroce au point qu'Alexander a eu l'impression d'en avoir senti s'écouler la moindre minute. Libéré du regard de quiconque, il a pu se mettre plus à l'aise ; sa cravate était posée sur un fauteuil à quelques pas de son bureau, ses manches retroussées et les premiers boutons de sa chemise froissée après une si longue journée, ouverts. Il s'est même autorisé un petit verre de vin dans l'espoir que cela rende l'ambiance qui règne autour de lui un peu moins triste et sérieuse. Les brides de fatigue se sont transformées en maux de crâne depuis plus d'une heure maintenant, transformant ses tempes en tambours desquelles une douleur bien spécifique retentissait en rythme. C'est finalement au bout de trois bonnes heures qu'il décide enfin de prendre une pause en profitant pour se lever, s'étirer et surtout, chercher de quoi faire taire ce qui allait finir par le rendre cinglé. Le palais est plongé dans un silence d'or qu'Alexander ne connaît trop bien puisque les journées sont elles aussi assez silencieuses.

Médicament avalé - dans une grimace de dégoût digne d'un enfant de six ans – il se réinstalle finalement dans son fauteuil, peu envieux de s'y remettre aussi rapidement. Un coup d’œil à l'horloge lui apprend que deux heures du matin sonneront bientôt et sans qu'il ne le voit venir, cette information pourtant basique l'attriste quelque peu. A cette heure-ci de nombreux hommes doivent être plongés dans de beaux songes... Et combien d'entre eux le sont aux côtés de leurs épouses ? Des épouses qu'ils désirent, aiment et qui le leur rendent bien. Irrémédiablement ses pensées se tournent alors vers Annabella, lui faisant complètement oublié le travail qui lui restait encore à faire avant de ne pouvoir lui aussi se reposer – ou essayer. Un jour eux aussi dormiraient côte à côte mais ne partageraient peut-être jamais ces sentiments communs aux mariés véritablement aimants. Persuadé d'être le parfait opposé de ce qu'aimait sa future femme, ce sont des coups donnés à la porte qui le sortirent miraculeusement de son tourment. Se raclant la gorge pour reprendre consistance, il se redressa sur son fauteuil puis invita la personne à entrer. Et quelle bonne surprise de voir Andrew passer le pas de la porte pour se présenter à lui. Un peu de gaieté dans toute cette noirceur. Le sourire du prince prit une allure de grimace en apercevant le sac qu'il avait sur l'épaule et disparut complètement aux mots du garde du corps. Quoi? Sous le choc, Alexander saisit le papier sans l'ouvrir cependant. Cela ne peut être qu'une vilaine blague. « Tu m'as habitué à un meilleur humour ! »

Ce n'est pas le prince qui parle mais bien évidemment l'ami. Entre eux, lorsqu'ils sont seuls tout du moins, il n'y a pas de protocole ou de code de conduite à respecter. Ils ne sont plus que des hommes et avant tout, des amis. Jetant un œil au papier qui ne devait être qu'un ramassis de supercherie, Alexander prit conscience qu'il ne se payait pas sa tête et que son départ était effectivement imminent, le sac qu'il avait sur l'épaule l'en attestant. « Attends, attends..... Quoi ? Je... Je comprends pas. » Il se redresse alors, faisant le tour de son bureau pour se retrouver face au blond. « Tu ne peux pas... Partir comme ça, tout d'un coup. Il s'est passé quelque chose ? Tu as des problèmes ? » Demande-t-il inquiet. Quitter une si bonne situation ne pouvait être que signe d'un problème qui lui était ou allait lui tomber dessus. « Assieds toi une seconde et explique moi. » Sans attendre il avait délicatement retiré le sac de son épaule pour le poser à terre et l'inciter à prendre place dans l'un des deux fauteuils en face de son bureau. Alexander, lui, s'installa sur le deuxième sans quitter le garde des yeux. « Tu sais que tu peux compter sur moi si tu as n'importe quel souci, n'est-ce pas ? »

@ANDREW O'CONNEL

claude gueuse

Mon ami semblait heureux de me voir mais bien vite il comprit que ma visite n’était pas des plus joyeuses. Je vis le sourire se faner sur son visage. Alors qu’il prenait ma lettre de démissions il ne l’ouvrit pas cependant et lâchais juste que j’avais un meilleur humour d’habitude. Oui peut-être… Mais ce soir j’avais rompu avec son frère et je n’étais pas d’humeur de faire de l’humour. Vraiment pas. Je baissais juste la tête sans répondre histoire de montrer que c’était sérieux. D’un côté j’étais content de voir que son ton était amical et non protocolaire, malgré ma visite à titre officiel. C’était bien car je n’étais pas sûr d’être capable de porter un masque mais d’un autre côté j’avais peur de caquer face à Alexander et ce n’était peut-être pas la meilleure des choses.

Cependant Alexander finit par comprendre que ce n’était pas une blague et se leva pour se planter devant moi. Je bafouillais la moitié d’une réponse alors qu’il disait ne pas comprendre avant qu’il ne reprenne. Je serais les poings alors qu’il me demandait si j’avais eu des soucis, s’il s’était passé quelque chose. Si seulement il savait. Je n’eus pas le temps de réagir qu’il me dit de m’asseoir, prenant mon sac par la même occasion. Je voulais répliquer que non, que j’allais partir mais la fatigue, la tristesse, la colère faisait que je le regardais juste alors qu’il prenait mon sac avant de m’avancer vers le fauteuil et me laisser tomber dedans mollement.

Posant mes coudes sur mes jambes je mis mon visage dans mes mains, me frottant doucement les yeux. Secouant la tête négativement je répondis sans lever mon visage.

« Le soucis que j’ai, tu pourras rien y faire. C’est trop compliqué, y a déjà trop de personnes impliquées et … Enfin bref c’est fini maintenant donc voilà ! »

Je relevais mon regard las vers le futur roi. Je fis un petit sourire, essayant de ne pas trop montrer mon mal être. Je ne réalisais pas encore vraiment que j’avais rompu avec Raphaël ni que j’allais quitter ce château pour de bon, et c’était mieux ainsi. La vague d’émotions viendra plus tard ! Là j’avais encore la tête froide.

« Je ne peux juste pas rester au palais c’est … C’est une histoire personnelle donc ce n’est pas à cause de collègues ou quoi. Je me doute que ça ne doit pas être tous les jours qu’on démissionne à deux heures du matin mais … Je suis plus sûr de pouvoir remplir mon boulot le temps de suivre la procédure du coup je passe par le chemin express. »

Je lui lançais un regard avant de baisser à nouveau les yeux. Je n’étais pas fière de moi. Autant Clément et Enzo étaient les potes avec qui je pouvais déconner facilement et tout autant Alexander était lus un ami que je respectais. Plus calme posé je faisais des blagues mais on avait une dynamique plus sérieuse. Complices oui mais avec un truc différent de ma complicité avec Clément.

« Je servirais pas à grand-chose dans mon état actuel… »

Et c’était vrai. Rester près de Raphaël allait être une torture. Et je risquais de craquer. Mais je ne voulais pas craquer. Il ne fallait pas. On ne pouvait pas.

@Alexander de Cambridge