"No, I won't trade this for nothing." [Ft. Ruby]

Kiara n’avait jamais été repoussée par personne. La plupart du temps, c’était elle qui menait la danse, et ça la satisfaisait entièrement. Pourtant, il y a de ça maintenant deux semaines, une fille avait réussi à lui résister. Ruby. Elle n’avait droit à aucune explication, et coupée dans son élan, elle n’avait même pas cherché à lui laisser son numéro afin de lui permettre de la recontacter en cas de besoin. Et de toute manière, à quoi cela aurait-il bien pu servir ? Clairement Ruby avait pris son pied cinq minutes mais elle devait avoir d’autres priorités pour être capable de repousser une beauté fatale comme la Texanne. Pourtant pas de doute, elle n’avait pas du tout perdu son charme, et lorsqu’elle avait quitté l’appartement de la soldat, elle avait été vérifier son sex addict dans un club gay du coin. Résultat, ce plan à trois avait été le meilleur de sa vie.

Elle rit doucement. En fait, c’était bête, mais ce refus lui avait montré que finalement, ce n’était pas à elle qui avait un problème et son égo en était ainsi sorti indemne. Ainsi, ce soir là elle ne manqua pas de mettre son corps en valeur, comme son patron le lui avait demandé depuis son premier jour. En fait, ce boulot lui permettait de vivre grâce à un salaire confortable, mais en plus les pourboires ne manquaient pas, tout comme les coups d’un soir, bref que demander de plus ? Elle sourit. En fait, Londres lui offrait une vie totalement différente de ce qu’elle avait pu avoir jusqu’à présent et pourtant, elle appréciait totalement ce rythme effréné et en passant devant la fête foraine qui s’était installée en ville, elle comprit. Cet endroit lui manquerait quand elle devrait retourner dans son Texas natal. C’était d’ailleurs bien la première fois qu’elle n’était pas totalement impatiente de retrouver ses chevaux. Mais vivre dans ce monde en dehors de la réalité était si bon, elle pourrait facilement s’y habituer …

Quand elle entra dans le bar, The Nights, de MO était à la radio. Elle ondula un instant au rythme de la musique, ne manquant pas de recevoir les sifflements de quelques clients habitués, puis son acolyte masculin la rejoignit. Lui avait reçu les mêmes ordres de la part du patron : Avoir l’air canon, et vendre. C’était simple comme directive ! Et il était presque aussi doué que Kiara. Ainsi, il lui raconta ce qu’elle avait loupé de l’après-midi, puis il lui remit les clés avant de récupérer sa veste en cuir pour rentrer chez lui, bien accompagné d’après ce que Kiara pu découvrir. Elle lui fit un clin d’œil amusé en lui murmurant de bien profiter puis elle s’occupa de ses clients déjà présents, les autres ne tarderaient plus beaucoup à arriver maintenant.

Et puis, elle reconnu le visage presque féminin qui passa la porte. Lors de leur première rencontre, Kiara avait totalement omis de dire à Ruby qu’elle était barmaid dans le centre ville. Apparemment, elle allait devoir la servir ce soir. Mais qu’importe, elle s’en sentait capable, et puisqu’elle n’éprouvait pas de rancœur pourquoi en faire tout un plat ? De toute manière la tatouée ne l’avait pas encore remarquée, alors Kiara cessa de se mordiller la lèvre d’hésitation, pour reporter son attention sur des clients qui eux, avaient les yeux rivés dans le joli décolleté que la brune portait ce soir. Au moins certains qui avaient tout compris de la vie ! Comment avait-elle pu résister à son charme ? Ce serait une question qui resterait sûrement sans réponse pour un bon bout de temps …

« Alors Luwski, qu’est-ce que j’te sers ? » Elle demanda nonchalamment pour attirer l’attention de la tatouée, un joli sourire en coin sur les lèvres.

Un peu de tout...
Un peu de moi...

Kiara ne faisait attention à aucune des avances que ses clients lui faisaient. A force elle en avait pris l’habitude, elle trouvait ça flatteur, et son égo en était ravi, cela dit elle y répondait rarement. A moins que la personne en question fasse partie de la gente féminine. A ce moment là elle reconsidérait l’idée. Mais à Londres dans un bar branché mais ordinaire, les personnes du groupe LGBT ne courraient pas toujours les rues. Heureusement qu’elle avait d’ores et déjà repéré ses petites adresses sympas pour aller draguer. Heureusement aussi qu’elle ne comptait plus ses conquêtes, elle en serait déjà à son second carnet. Mais ça, c’était une autre histoire … Est-ce qu’elle regrettait celles qu’elle n’avait pas pu avoir ? Oui et non. En soi, elle ne regrettait pas la personne en elle-même, car elle ne savait pas s’attacher suffisamment aux gens pour en être capable. Mais il lui arrivait de regretter le temps qu’elle avait perdu en leur compagnie. Heureusement ces regrets ne durent jamais bien longtemps, car ce n’est pas son genre.

Alors oui, quand elle avait vu débouler Ruby, elle avait été surprise une fraction de secondes. Mais elle s’en fichait un peu, au final. Elle tentait même de se dire que c’était une fille comme une autre… A cette pensée elle secoua doucement la tête. Elle ne convaincrait personne que Luwski était une fille comme une autre, et ça n’était certainement pas sa tenue de ce soir qui l’aiderait à croire à cela ce soir. Elle aurait pu mater, mais elle savait d’avance que ça ne servirait à rien. Alors elle déglutit, et s’empêcha de laisser son regard glisser le long de ce corps sans faille … Elle grogna intérieurement, était-elle vraiment obliger de venir la tenter ici, sur son lieu de travail ? Non vraiment, Kiara s’en serait passé, même si le spectacle valait le coup d’œil, et de loin. C’est donc froidement qu’elle lui demanda ce qu’elle lui servait. Elle tremblait de l’intérieur. Oui cette fille l’énervait, pour la simple et bonne raison qu’elle la trouvait irrésistible et que jusqu’à présent personne n’avait su lui résister comme elle était parvenue à le faire, autant dire que la tension qui était la sienne à cet instant en aurait fait trembler plus d’un.

Elle fut néanmoins surprise par la commande de la tatouée. De un, un cocktail cendrillon ? Sérieusement ? Est-ce qu’on parlait de la même meuf qu’elle avait rencontré il y a de ça deux semaines ? Celle qui était complètement défoncée et bourrée à huit heures du matin ?
De deux, est-ce qu’elle était vraiment en train de faire semblant de ne pas la connaître au point de la vouvoyer alors qu’elles avaient pratiquement fini au lit dans des conditions tout à fait idyllique jusqu’à ce qu’elle décide finalement de se raviser ?
Qu’importe.

Elle se retourna donc le temps d’aller récupérer les jus de fruits nécessaires à la préparation de la commande de la soldat puis elle en remplit un verre à whisky. Elle entendit vaguement un homme ayant la quarantaine marmonner quelque chose de sa voix déjà bien alcoolisée. C’était un habitué du bar et chaque soir il repartait avec une prostituée différente. Il devait certainement penser qu’un jour il repartirait avec la jolie Texane. Dommage pour lui il était loin de ce qu’elle appréciait. La question était cependant de savoir pourquoi il disait cela, puisque lorsque Kiara donna son cocktail à Ruby, elle était déjà désintéressée de tout ce qui l’entourait, plongée sur son téléphone. C’en était trop pour le sang chaud de Kiara qui finit par lui dire, d’une voix acide :

« Tu prépares ta future non-conquête ? »

Non, elle n’était pas en colère. Ou peut être que si … Elle se refusait de l’être. Elle refusait également d’être jalouse. Elle refusait de ressentir quoi que ce soit sur le plan sentimental. Mais ce que Ruby avait fait… Si Kiara devait décrire la tentation incarnée le visage de la tatouée lui venait directement à l’esprit et malgré elle, encore aujourd’hui elle avait envie d’elle. Envie de son corps, et de ses lèvres, et de-

« Ma jolie tu me remets la même chose ? »

Le richissime homme dégueulasse qu’elle se coltinait à peu près tous les soirs en tant que fidèle client du bar la sortit de ses pensées, et ça n’était pas plus mal. Garder ses pensées contenues, ça n’était pas une mauvaise idée, ou bien les choses risquaient de devenir compliquées avec Ruby et elle n’en avait pas besoin. Elle hocha donc la tête et lui resservit son verre de bourbon, avant d’aller servir des clients en salle. Quand elle marchait, ses hanches décrivaient un joli déhanché qu’elle maîtrisait depuis toujours ou presque, un avantage quand on monte à cheval, et surtout en éthologie, on s’exprime énormément avec le bassin pour communiquer, et résultat dans la vie de tous les jours, sa démarche était aussi sensuelle au naturel, qu’elle aurait pu l’être.

Un peu de tout...
Un peu de moi...

La Texane se contrefichait à présent de blesser la jolie soldat. C’était en partie à cause des filles de son genre qu’elle ne s’amusait jamais à prendre le temps de connaître ses conquêtes. De toute manière, elles n’étaient toutes que des échecs de la vie, pour une bonne partie d’elles, ou encore des erreurs de parcours. Enfin, une infime partie d’elles étaient seulement comme Kiara, des filles profitant de la vie. De toutes les façons, ça ne se terminait jamais bien, quand certaines tentaient de garder contact elle finirait toujours par être harcelée par des folles qui croyaient aux contes de fées. Très peu pour elle. Alors oui, elle avait des barrières, qui ne tomberaient probablement jamais, mais c’était bien mieux ainsi. Et ça valait même pour la tatoué face à elle. Et pourtant, le fait qu’elle ne prenait même pas la peine de répondre la faisait enrager, sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle avait envie de la frapper, de lui dire de s’expliquer, mais même cela ne lui ressemblait pas ! Bon sang qu’est-ce qu’elle avait de si spécial, qui faisait que Kiara ne parvenait à s’intéresser à aucune autre cliente aujourd’hui ? Elle secoua la tête, en revenant d’avoir emmené la précédente commande, pour voir finalement Ruby fuir, une fois de plus. Elle avait eu le cran de lui laisser son numéro, ce qui fit rire Kiara. Pour quoi faire au juste ?

Elle demanda à son collègue gérant la partie financière du bar de gérer quelques minutes, pendant qu’elle allait faire une pause pipi, la direction qu’avait pris la tatouée. Cette fille avait une influence étrange sur elle, et elle n’avait même pas envie de résister à cette tension qui la liait à la soldat… Elle la découvrit bien vite en train de se laver les mains, et alors qu’elle pensait prendre la parole, la tatouée la devança ce qui eut, une fois de plus, le don de la prendre au dépourvu. Elle apprit ainsi que Ruby partait le lendemain, ça expliqua sa petite pause au bar de ce soir. Mais cela dit, quand elle lui dit qu’elle n’était même pas sûre de revenir, Kiara fronça les sourcils. Et sa surprise fut d’autant plus grande face aux paroles de Ruby. Ainsi, elle avait envie de la connaître d’avantage, et cela lui faisait peur. Elle n’avait jamais entretenue de relation stable, et elle aimait être célibataire. Elle aimait sa liberté. Mais … Elle aimait également ce que Ruby lui faisait ressentir, malgré elle. Elle secoua néanmoins la tête quand la soldat lui dit qu’elle aurait pu être considérée comme une traître à sa nation si elle avait refusé cette mission parce qu’elle désirait rester à Londres. La Texane voyait bien qu’elle avait du mal à contenir la rage qui s’en prenait lentement à elle, et elle avança dans sa direction. Elle ne savait quoi faire, mais dans ces moments, elle savait comment agir. Ses baisers étaient magiques de toute manière.

Sauf qu’une fois de plus, Ruby réussit à la prendre au dépourvu. Elle plaqua ses lèvres contre celles de Kiara, qui ne décida pas de la repousser, bien au contraire puisqu’elle posa ses mains dans le creux de ses reins, avant de la porter doucement sur le plan de travail dos à elle. Elle enroula les jambes de Ruby autour de sa taille, presque une question d’habitude à son niveau, et elle l’embrassa avec passion, comme si elle avait attendu ça depuis leur dernière rencontre et quand finalement leurs lèvres se séparèrent, elle laissa son front reposer contre celui de la tatouée, caressant tendrement sa joue avant de plonger son regard dans le sien :

« Tu sais que je ne suis pas du genre à m’attacher aux gens Ruby … L’amour est une faiblesse, et je ne peux me permettre d’être faible … » Elle laissa sa phrase en suspens. Elle la voyait déjà être inquiète de la signification de ces mots. C’est pourquoi elle lui vola un léger baiser avant de reprendre : « Et pourtant, quand tu es là, je ne peux m’empêcher de ne regarder que toi. Et ça me tue, parce que je ne suis pas le genre de fille à craquer sur la première venue mais putain, qu’est-ce que t’es bonne… » Elle grogna de désir. « Je ne suis pas faite pour les relations amoureuses, il faut que tu le saches. Les fleurs et les chocolats, c’est pas mon genre. Moi je suis pour te faire oublier tes soucis du quotidien l’histoire de quelques heures, et puis voilà … » Elle soupira doucement. « Mais toi … Il a fallu que tu perturbes tous mes plans, n’est-ce pas ? » Son cœur loupa un battement quand elle déposa un baiser sur son front : « Reviens moi en vie. » Elle lui fit promettre, avant de faire un pas en arrière, afin de lui permettre de s’en aller, si c’était ce qu’elle souhaitait.

Un peu de tout...
Un peu de moi...